11.11.05

femme au coeur en asphalte

Tu déambules sur une rue vide de sens et de piétons
Celle qui croise la ruelle de mes vieux jours et brille à me rendre jaloux
C’est qu’ici encore résident les vieux matelas et les coussins crevés des sofas, tu vois
Refuges aux enfants frileux de ne rien faire
Restes des vidanges d’il y a deux semaines et quelques jours
Alors que toi tu souris aux arbres et aux ampoules 400 000 volts des lampions modernes
Environnée de boutiques de bijoux et d’arbres de Noël municipaux
Aux ventres bien garni de lumières et de clochettes
Arrêts d’autobus outremontois aux bancs deluxe, pour dix personnes, ou encore quinze
Tu leur souris
Comme tu souriras à la Mercedes qui gronde et au type costard cravate qui la chevauche
Les cheveux gras dans le vent de son habitacle spacieux
Pendant que j’bois mon drink encore sur le pas de ma porte
Le plus beau des cafés pour moi
Tu sauteras dans un taxi pour contempler le vaudeville d’un Montréal friqué
Vautrée dans le siège avant enfin sans avoir à lever les jambes
Une chose à la fois sinon ta tête explose
Tu passeras les châteaux urbains les baraques idylliques
Tu leur tendras la main tout sourire et le crâne plein de fantasmes
Alors que moi je sourirai à ma quatorzième bière et à mon poster de Richard Desjardins
Amant de mes solitudes du vendredi soir
Tu passeras près d’ici, croiseras ma ruelle
Hésitante, tu demanderas de tourner à droite
Entre les cartons empilés à la course et les bâtons de hockey qui traînent, çà et là
Tu caresseras la fenêtre chaude de ton front glacé pour parfaitement saisir le dehors
Tu croiseras d’abord celle du voisin, puis ma maison, enfin
Pour toi plus qu’un souvenir brûlant d’yeux rouges desséchés d’usure
La lumière du salon encore rayonnante à cette heure
Tu m’y verras, adossé au cadre de porte à la peinture blanche qui craque
À fumer ma dernière cigarette, encore et toujours la dernière
Voulant parfaitement saisir le dehors à mon tour
Je croiserai d’abord les lettres du mot « TAXI »
Puis ton regard vide de sens et de piétons
Tu ne me souriras pas
Puisque mes pupilles, même dilatées ne font que 60 volts
Trop peu pour toi
Mais je te sourirai en réponse, sans trop y réfléchir
Puisqu’une chose à la fois sinon ma tête s’illumine
Aux couleurs de ton quartier.